Les aveux du meurtre de Patrice Lumumba <br />"J’ai découpé et dissous dans l’acide le corps de Lumumba" <br />BRUGES, 15 mai (AFP) - Près de 40 ans après l’assassinat de Patrice Lumumba, le Belge Gerard Soete vient enfin de se défaire d’un lourd secret : une nuit de janvier 1961, dans une puanteur d’acide sulfurique et de cadavres écartelés, il fit disparaître le corps du martyr congolais. <br />"Est-ce que la législation me le permettait ?", se demande-t-il aujourd’hui, à 80 ans et en bonne santé, dans son pavillon d’un faubourg résidentiel de Bruges (nord-ouest) où l’AFP l’a rencontré. <br />"Pour sauver des milliers de personnes et maintenir le calme dans une situation explosive, je pense que nous avons bien fait", ajoute-t-il, en dépit de "la crise morale" qu’il doit avoir traversée après cette nuit "atroce". <br />Le 17 janvier 1961, sept mois après l’accession du Congo à l’indépendance, Patrice Lumumba, le premier chef de gouvernement du pays, était assassiné près d’Elisabethville (actuellement Lubumbashi, sud), capitale de la province alors sécessionniste du Katanga. <br />Criblé de balles, son corps n’a jamais été retrouvé, pas plus que ceux de deux proches tués avec lui, Joseph Okito et Maurice Mpolo. <br />Selon l’auteur, le but de l’élimination était, en pleine guerre froide, de maintenir le Congo dans la sphère d’influence occidentale. <br />La thèse a connu un tel écho qu’une commission d’enquête parlementaire belge, chargée d’éclaircir "l’implication éventuelle des responsables politiques belges" dans l’assassinat, a entamé ses travaux le 2 mai. <br />Une commission qui auditionnera Gérard Soete. <br />Commissaire de police chargé à l’époque de mettre en place une "police nationale katangaise", le Brugeois dut d’abord transporter les trois corps à 220 km du lieu d’exécution, pour les enfouir derrière une termitière, en pleine savane boisée. <br />De retour à Elisabethville, il reçut cependant "l’ordre" du ministre de l’intérieur Katangais Godefroi Munongo de faire littéralement disparaître les cadavres. <br />La popularité de Lumumba était telle que son cadavre restait en effet gênant. Le "pèlerinage" sur sa tombe pouvait raviver la lutte de ses partisans. <br />"Petit Gérard Soete de Bruges, je devais me débrouiller tout seul avec trois corps internationalement connus", résume-t-il aujourd’hui. "Toutes les autorités belges étaient sur place, et elles ne m’ont pas dit de ne rien faire", ajoute-t-il, avec un fort accent flamand. <br />Accompagné d’"un autre blanc" et de quelques congolais, épuisés "d’une scie à métaux, de deux grandes dames-jeannes et d’un fut d’acide sulfurique", il leur fallut toute la nuit, du 22 au 23 janv, pour accomplir leur besogne. <br />"En pleine nuit africaine, nous avons commencé par nous saouler pour avoir du courage. On a écarté les corps. Le plus dur fut se les découper" avant de verser l’acide, explique l’octogénaire. <br />Il n’en restait presque plus rien, seules quelques dents. Et l’odeur ! Je me suis lavé trois fois et je me sentais toujours sale comme un barbare", ajouté-t-il.