Je suis triste ; le sort est dur ; tout meurt, tout passe ; <br />Les êtres innocents marchent dans de la nuit ; <br />Tu n'en sais rien ; tu ris d'écouter dans l'espace <br />Ce qui chante et de voir ce qui s'épanouit ; <br /> <br />Toi, tu ne connais pas le destin ; tu chuchotes <br />On ne sait quoi devant l'Ignoré ; tu souris <br />Devant l'effarement des sombres don Quichottes <br />Et devant la sueur des pâles Jésus-Christs. <br /> <br />Tu ne sais pas pourquoi je songe, pourquoi tombe <br />Kesler à Guernesey, Ribeyrolle au Brésil ; <br />Jeanne, tu ne sais pas ce que c'est que la tombe, <br />Jeanne, tu ne sais pas ce que c'est que l'exil. <br /> <br />Certes, si je pensais que j'assombris ton âme, <br />Je ne te dirais point toutes ces choses-là ; <br />Mais, vois-tu, bien qu'avril dore à sa pure flamme <br />Ton front, que Dieu pour moi tout exprès étoila, <br /> <br />Quoique le ciel ait l'aube et mon coeur ton sourire, <br />Jeanne, la vie est morne, et l'on gémit parfois ; <br />Puisque tu n'as qu'un an, je puis bien tout te dire, <br />Tu comprends seulement la douceur de ma voix.<br /><br />Victor Marie Hugo<br /><br />http://www.poemhunter.com/poem/a-jeanne/
