Esprit mystérieux qui, le doigt sur ta bouche, <br />Passes... ne t'en va pas ! parle à l'homme farouche <br />Ivre d'ombre et d'immensité, <br />Parle-moi, toi, front blanc qui dans ma nuit te penches ! <br />Réponds-moi, toi qui luis et marches sous les branches <br />Comme un souffle de la clarté ! <br /> <br />Est-ce toi que chez moi minuit parfois apporte ? <br />Est-ce toi qui heurtais l'autre nuit à ma porte, <br />Pendant que je ne dormais pas ? <br />C'est donc vers moi que vient lentement ta lumière ? <br />La pierre de mon seuil peut-être est la première <br />Des sombres marches du trépas. <br /> <br />Peut-être qu'à ma porte ouvrant sur l'ombre immense, <br />L'invisible escalier des ténèbres commence ; <br />Peut-être, ô pâles échappés, <br />Quand vous montez du fond de l'horreur sépulcrale, <br />O morts, quand vous sortez de la froide spirale, <br />Est-ce chez moi que vous frappez ! <br /> <br />Car la maison d'exil, mêlée aux catacombes, <br />Est adossée au mur de la ville des tombes. <br />Le proscrit est celui qui sort ; <br />Il flotte submergé comme la nef qui sombre. <br />Le jour le voit à peine et dit : Quelle est cette ombre ? <br />Et la nuit dit : Quel est ce mort ? <br /> <br />Sois la bienvenue, ombre ! ô ma soeur ! ô figure <br />Qui me fais signe alors que sur l'énigme obscure <br />Je me penche, sinistre et seul ; <br />Et qui viens, m'effrayant de ta lueur sublime, <br />Essuyer sur mon front la sueur de l'abîme <br />Avec un pan de ton linceul ! ...<br /><br />Victor Marie Hugo<br /><br />http://www.poemhunter.com/poem/horror-8/
