Ô vous que votre âge défend, <br />Riez ! tout vous caresse encore. <br />Jouez ! chantez ! soyez l'enfant ! <br />Soyez la fleur ; soyez l'aurore ! <br /> <br />Quant au destin, n'y songez pas. <br />Le ciel est noir, la vie est sombre. <br />Hélas ! que fait l'homme ici-bas ? <br />Un peu de bruit dans beaucoup d'ombre. <br /> <br />Le sort est dur, nous le voyons. <br />Enfant ! souvent l'oeil plein de charmes <br />Qui jette le plus de rayons <br />Répand aussi le plus de larmes. <br /> <br />Vous que rien ne vient éprouver, <br />Vous avez tout, joie et délire, <br />L'innocence qui fait rêver, <br />L'ignorance qui fait sourire. <br /> <br />Vous avez, lys sauvé des vents, <br />Coeur occupé d'humbles chimères, <br />Ce calme bonheur des enfants, <br />Pur reflet du bonheur des mères. <br /> <br />Votre candeur vous embellit. <br />Je préfère à toute autre flamme <br />Votre prunelle que remplit <br />La clarté qui sort de votre âme. <br /> <br />Pour vous ni soucis ni douleurs, <br />La famille vous idolâtre. <br />L'été, vous courez dans les fleurs ; <br />L'hiver, vous jouez près de l'âtre. <br /> <br />La poésie, esprit des cieux, <br />Près de vous, enfant, s'est posée ; <br />Votre mère l'a dans ses yeux, <br />Votre père dans sa pensée. <br /> <br />Profitez de ce temps si doux ! <br />Vivez ! - La joie est vite absente ; <br />Et les plus sombres d'entre nous <br />Ont eu leur aube éblouissante. <br /> <br />Comme on prie avant de partir, <br />Laissez-moi vous bénir, jeune âme, - <br />Ange qui serez un martyr ! <br />Enfant qui serez une femme !<br /><br />Victor Marie Hugo<br /><br />http://www.poemhunter.com/poem/a-mlle-fanny-de-p/
