Jeune fille, ton coeur avec nous veut se taire. <br />Tu fuis, tu ne ris plus; rien ne saurait te plaire. <br />La soie à tes travaux offre en vain des couleurs; <br />L'aiguille sous tes doigts n'anime plus des fleurs. <br />Tu n'aimes qu'à rêver, muette, seule, errante, <br />Et la rose pâlit sur ta bouche expirante. <br />Ah! mon oeil est savant et depuis plus d'un jour; <br />Et ce n'est pas à moi qu'on peut cacher l'amour. <br />Les belles font aimer; elles aiment. Les belles <br />Nous charment tous. Heureux qui peut être aimé d'elles! <br />Sois tendre, même faible; on doit l'être un moment; <br />Fidèle, si tu peux. Mais conte-moi comment, <br />Quel jeune homme aux yeux bleus, empressé, sans audace, <br />Aux cheveux noirs, au front plein de charme et de grâce... <br />Tu rougis? On dirait que je t'ai dit son nom. <br />Je le connais pourtant. Autour de ta maison <br />C'est lui qui va, qui vient; et, laissant ton ouvrage, <br />Tu vas, sans te montrer, épier son passage. <br />Il fuit vite; et ton oeil, sur sa trace accouru, <br />Le suit encor longtemps quand il a disparu. <br />Certe, en ce bois voisin où trois fêtes brillantes <br />Font courir au printemps nos nymphes triomphantes, <br />Nul n'a sa noble aisance et son habile main <br />A soumettre un coursier aux volontés du frein.<br /><br />Andre Marie de Chenier<br /><br />http://www.poemhunter.com/poem/jeune-fille-ton-coeur-avec-nous/
