Souvent le malheureux sourit parmi ses pleurs, <br />Et voit quelque plaisir naître au sein des douleurs. <br />Sous ses hauts monts ainsi l'Allobroge recèle, <br />Sous ses monts, de l'hiver la patrie éternelle, <br />Et les fleurs du printemps et les biens de l'été. <br />Sur leurs arides fronts le voyageur porté <br />S'étonne. Auprès des rocs d'âge en âge entassée, <br />En flots âpres et durs brille une mer glacée. <br />A peine sur le dos de ces sentiers luisants <br />Un bois armé de fer soutient ses pas glissants. <br />Il entend retentir la voix du précipice. <br />Il se tourne et partout un amas se hérisse <br />De sommets ou brûlés ou de glace épaissis, <br />Fils du vaste mont Blanc sur leurs têtes assis, <br />Et qui s'élève autant au-dessus de leurs cimes <br />Qu'ils s'élèvent eux-mêmes au-dessus des abîmes. <br />Mais bientôt à leurs pieds qu'il descende; à ses yeux <br />S'étendent mollement vallons délicieux, <br />Pâturages et prés, doux enfants des rosées, <br />Trient, Cluses, Magland, humides Élysées, <br />Frais coteaux, où partout sur des flots vagabonds <br />Pend le mélèze altier, vieil habitant des monts.<br /><br />Andre Marie de Chenier<br /><br />http://www.poemhunter.com/poem/souvent-le-malheureux/