'Les esclaves d'amour ont tant versé de pleurs! <br />S'il a quelques plaisirs, il a tant de douleurs! <br />Qu'il garde ses plaisirs. Dans un vallon tranquille, <br />Les muses contre lui nous offrent un asile; <br />Les muses, seul objet de mes jeunes désirs, <br />Mes uniques amours, mes uniques plaisirs. <br />L'amour n'ose troubler la paix de ce rivage. <br />Leurs modestes regards ont, loin de leur bocage, <br />Fait fuir ce dieu cruel, leur légitime effroi, <br />Chastes muses, veillez, veillez toujours sur moi.' <br /> <br />--'Non, non, le dieu d'amour n'est point l'effroi des muses. <br />Elles cherchent ses pas, elles aiment ses ruses. <br />Le coeur qui n'aime rien a beau les implorer, <br />Leur troupe qui s'enfuit ne veut pas l'inspirer. <br />Qu'un amant les invoque, et sa voix les attire. <br />C'est ainsi que toujours elles montent ma lyre. <br />Si je chante les dieux, ou les héros, soudain <br />Ma langue balbutie et se travaille en vain. <br />Si je chante l'amour, ma chanson d'elle-même <br />S'écoule de ma bouche et vole à ce que j'aime.'<br /><br />Andre Marie de Chenier<br /><br />http://www.poemhunter.com/poem/les-esclaves-d-amour/