La voyageuse qui traverse les Halles à la tombée de l'été <br />Marchait sur la pointe des pieds <br />Le désespoir roulait au ciel ses grands arums si beaux <br />Et dans le sac à main il y avait mon rêve ce flacon de sels <br />Que seule a respiré la marraine de Dieu <br />Les torpeurs se déployaient comme la buée <br />Au Chien qui fume <br />Ou venaient d'entrer le pour et le contre <br />La jeune femme ne pouvait être vue d'eux que mal et de biais <br />Avais-je affaire à l'ambassadrice du salpêtre <br />Ou de la courbe blanche sur fond noir que nous appelons pensée <br />Les lampions prenaient feu lentement dans les marronniers <br />La dame sans ombre s'agenouilla sur le Pont-au-Change <br />Rue Git-le-Coeur les timbres n'étaient plus les mêmes <br />Les promesses de nuits étaient enfin tenues <br />Les pigeons voyageurs les baisers de secours <br />Se joignaient aux seins de la belle inconnue <br />Dardés sous le crêpe des significations parfaites <br />Une ferme prospérait en plein Paris <br />Et ses fenêtres donnaient sur la voie lactée <br />Mais personne ne l'habitait encore à cause des survenants <br />Des survenants qu'on sait plus devoués que les revenants <br />Les uns comme cette femme ont l'air de nager <br />Et dans l'amour il entre un peu de leur substance <br />Elle les interiorise <br />Je ne suis le jouet d'aucune puissance sensorielle <br />Et pourtant le grillon qui chantait dans les cheveux de cendres <br />Un soir près de la statue d'Etienne Marcel <br />M'a jeté un coup d'oeil d'intelligence <br />a-t-il dit passe<br /><br />Richard Brautigan<br /><br />http://www.poemhunter.com/poem/tournesol-2/
