Surprise Me!

VENTURINI, Serge – Hommage à Rainer Maria Rilke.

2015-01-31 7 Dailymotion

Pour Rainer Maria Rilke <br />SERGE VENTURINI – NUITS BLEUES DE DÉCEMBRE <br /> <br />J’ai toujours aimé les nuits bleues de décembre, quand toutes les étoiles aiguisent notre lucidité la plus affilée, la plus tranchante. Tout s’écarte à mesure, un grand calme monte de la terre. L’espace de l’ouvert brûle alors de tous ses feux. — L’avenir pénètre en nous et il y murmure des possibles. Rien de mieux pour ressentir cette solitude joyeuse, surtout quand la fête au dehors bat son plein. Comme l’air est léger, tout semble suspendu. — On se sent comme étranger au monde. Nous voilà d’un coup, comme par enchantement, transportés au sommet d’une montagne. — Ah ! Combien de choses sont à présent au-dessous de nous ! <br /> <br />Un froid glacial nous saisit, puis le vertige nous envahit, nous estourbit. Nous puisons dès lors dans le meilleur de nos énergies et de nos résistances pour faire face à cette expérience. Rien de tel pour mettre à l’épreuve les grands caractères. Un grand caractère fait face à l’étrange, au merveilleux du transvisible avec le calme du rire, — dans tout ce qui vient à nous dans l’inattendu. Et seul l’inattendu pourra nous sauver contre l’esprit du vide qui nous gouverne comme des murènes. <br /> <br />L’inconnu nous devient familier, un usage s’installe, la fidélité aux visions prend le pas. — Combien de pauvres princesses n’attendent-elles pas que notre beau et magnifique courage les sauve des griffes et des dents d’un dragon ? Nous voilà ainsi capables de plusieurs vies en même temps, enrichis par la surprise de tout ce que nous voyons d’insolite, de fortuit, étonnés à ce moment-là, quelques fois éblouis par le caractère exceptionnel de cet inespéré. Or quel profond silence se fait autour de nous ! — Quel air raréfié des hauteurs ! <br /> <br />Mais les hautes visions ont un terrible revers, elles retranchent quand elles ne sont pas partagées. — D’où l’importance du dire, d’exprimer l’impensé, ainsi d’avoir foi au poison ; pour cela faut-il encore que les serpents de la langue se délient. Tant de choses appellent notre secours sans que nous puissions toujours y répondre, dans notre cruelle impuissance à changer les choses, — à les métamorphoser dans ce monde réticulaire où nos vies sont prises dans la nasse. <br /> <br />— Ce sont les larmes qui viennent... Est-ce un cheval qu’on châtie brutalement sous nos yeux ou bien un buffle dont le cuir éclaté d’une plaie ouverte saigne sous les violents coups d’un manche de fouet. — Les périssables visions s’échappent maintenant pour s’accomplir à partir de nous, de l’intérieur de nous. L’heure aurorale n’est-elle pas venue de les projeter sur le monde dans le difficile qui est notre chemin ?

Buy Now on CodeCanyon