Poème de René Baër <br /> <br />On m´a prêté quatre vieux murs <br />Pour y loger mes quatre membres <br />Et dans ce réduit très obscur <br />Je voulus installer ma chambre <br />Pour lui donner un air coquet <br />Je suspendis aux murs en pente <br />Les diplômes que j´ai manqués <br />Et mes décorations absentes <br />Sur une table les photos <br />De celles que se refusèrent <br />Sur des rayons les in-quarto <br />Des livres que je n´ai su faire <br /> <br />J´ai mis derrière les fagots <br />Les grands crus de notre royaume <br />Les Chambertin et les Margaux <br />Dont j´ignore jusqu´à l´arôme <br />Et dans un vaste coffre-fort <br />Rangés en piles régulières <br />Toutes les valeurs et tout l´or <br />Que j´aurais pu gagner naguère. <br />Par la fenêtre se glissant <br />Voici qu´un doux rayon bleuâtre <br />Est venu remplir mon théâtre <br />D´un mobilier étourdissant <br /> <br />Voici des tapis d´ambition <br />Voici des tentures de rêve <br />Voici qu´un rideau se soulève <br />Sur un chevalet d´illusions <br />Voici des coussins de serments <br />Couvrant des fauteuils de promesses <br />Et puis des colliers de tendresse <br />Et des bouquets de sentiments <br />Voici le mirage de l´Art <br />Voici des songes en rasades <br />Le divan de Schéhérazade <br />Et le clavecin de Mozart <br /> <br />La chimère en quatre secondes <br />Décorateur sur champ d´azur <br />A fait de mes quatre vieux murs <br />La plus belle chambre du monde. <br />La, la, la, la, la, la, la...
