Prière de paix Senghor, lu par son amie Jeannine Dion Guerin , une poésie belle et généreuse adressé à la France. <br /><br />Hosties Noires: Prière de paix, 1945 <br /><br />Seigneur, parmi les nations blanches, place la France à la droite du père. <br />Oh ! je sais bien qu’elle aussi est l’Europe, qu’elle m’a ravi mes enfants comme un brigand du Nord des bœufs , pour engraisser ses terres à cannes et coton, car la sueur nègre est fumier. <br />Qu’elle aussi a porté la mort et le canon dans mes villages bleus, qu’elle a dressé les miens les uns contre les autres comme des chiens se disputant un os <br />Qu’elle a traité les résistants de bandits, et craché sur les têtes-aux-vastes-desseins. <br />Oui Seigneur, pardonne à la France qui dit bien la voie droite et chemine par les sentiers obliques <br />Qui m’invite à sa table et me dit d’apporter mon pain, qui me donne de la main droite et de la main gauche enlève la moitié. <br />Oui Seigneur, pardonne à la France qui hait les occupants et m’impose l’occupation si gravement <br />Qui ouvre des voies triomphales aux héros et traite ses Sénégalais en mercenaires, faisant d’eux les dogues noirs de l’Empire <br />Qui est la République et livre les pays aux Grands-Concessionnaires <br />Et de ma Mésopotamie, de mon Congo, ils ont fait un grand cimetière sous le soleil blanc. <br />Ah ! Seigneur, éloigne de ma mémoire la France qui n’est pas la France, ce masque de petitesse et de haine sur le visage de la France <br />Ce masque de petitesse et de haine pour qui je n’ai que haine <br />- mais je peux bien haïr le Mal <br />Car j’ai une grande faiblesse pour la France
