Vergé <br /> <br />Sans se poser, fébrile, le crayon parcourt la feuille. Il <br />cherche le centre, esquisse une courbe, change d’axe, <br />hésite, repart… enfin, il trouve, se pose, et devient burin. <br />Ce soir le papier a peur : il sait. <br /> <br />Le trait se fait plus vif, les pleins et les déliés se disputent <br />la lumière sur les formes qui surgissent, la main prend <br />garde de ne pas contrarier l’espace, le crayon creuse <br />la feuille, caresse le grain, frappe à nouveau, et le <br />papier hurle. <br /> <br />La main va trop vite, le cœur bat trop fort, la mine est <br />trop fine, et le trait trop précis ; ce soir la lutte est inégale, <br />la feuille livre ses secrets, brûle ses derniers feux, et y <br />laisse la peau. <br />Le dessin n’est pas terminé, mais le papier n’a plus peur ; <br />il sait.
