IDEM <br /> <br /> Ma fille <br /> <br />Ma fille, tes jours sont gais, les miens sont monotones. <br />En deux saisons pour nous se partage le temps . <br />L'année a beau changer, je n'ai que des automnes, <br />Toi seule doit bénéficier des printemps. <br /> <br />Tout de mon cœur se ferme et du tien tout s'épanche. <br />S'il te faut des bonheurs que Dieu prenne les miens <br />Je ne me plaindrai pas de ceux qu'il me retranche <br />S'il les ajoute avantageusement aux tiens. <br /> <br />Ton âge te rend fière et le mien me fait honte . <br />Les ans pour moi sont lourds, pour toi ils ne pèsent rien, <br />De peur d'en perdre un seul à ton âge on les compte , <br />C'est sans soucis qu'on les oublie au mien. <br /> <br />On naît jeune,et c'est par tous que cette mode est suivie . <br />Avec ses doux printemps on fait des envieux . <br />Il semble qu'à rebours j'ai commencé la vie, <br />Et que probablement je suis né vieux. <br /> <br />Je deviens tout gris, mais sans craquer comme une branche. <br />J'étais, presque à trente ans, le vieillard que tu vois, <br />Et je n'avais de jeune, avec ma barbe blanche, <br />Que tout mon esprit, ainsi que le son de ma voix. <br /> <br />Lorsqu'on ne trouve en soi rien de sec, rien d'aride, <br />On se croit jeune encor, d'esprit comme de cœur, <br />Jusqu'au jour où le temps vient,où au fond d'une ride, <br />On vient poser un doigt intuitif et moqueur. <br /> <br />Ton sourire est charmant, plein de candeur et de grâce. <br />Je fais tout pour l'imiter, même des efforts superflus . <br />N'est-ce pas que le mien est comme une grimace, <br />Ni plus ni moins qu'une ride de plus ?