Dans sa chronologie, qui n’évacue ni grandeur ni décadence, ni doute ni croyance, tout est reconstruit à travers sa sensibilité de femme des mots, tout recommence à partir des généalogies du début, un début déjà entamé avec son précédent livre (Izuran-racines-). L’écrivaine propose des mots de lumière, des mots repères pour dépoussiérer des jalons, corriger des écritures ou encore éclairer le lecteur sur de longues périodes mises sous le boisseau. Elle opte franchement pour des expressions qu’elle jette frontalement à la figure des faussaires et de tous les porteurs de servitudes et s’exaspère par moments. Le va-et-vient dans le temps-espace insuffle au roman un rythme soutenu, soutenu mais pas tendu. Le livre n’est pas une thèse, ce n’est pas un pamphlet, c’est un voyage avec ses haltes vivifiantes, ses clins d’œil complices, ses fantasmes déroutants et sa nostalgie enhardie. La peinture des caractères et des univers posés pour le déroulement de l’histoire a un effet cathartique. Animée du fort désir de contribuer à lire autrement les héritages partagés, la génitrice de un oued pour la mémoire, adhère aussi bien à l’expression de l’apparent qu’aux complexités créées par le réel. En un mot, elle permet la fusion. Il y a le plaisir de suivre les péripéties d’une famille mais aussi l’aiguisement de l’intérêt autour de périodes peu connues de la longue marche de notre histoire. Femme de lettres, Fatima montre qu’elle est également écrivaine militante car sa plume est, avant toute chose, inscrite dans la restauration des valeurs. Son initiative est heureuse parce qu’elle tombe à point, la ré-interrogation du passé dans ses parties lumières et ses intolérances, tout cela en traces conjuguées et non en traces confondues. Elle recrée l’histoire (du roman) pour écrire l’histoire, en style lisible, sans dogme et sans rancune. Un bon roman pour redécouvrir, autrement, notre histoire et nos avatars.
