Le 28 mai 1871, la Commune de Paris était écrasée par les troupes Versaillaises. <br />L’Humanité vous offre cette reprise originale du poème d’Arthur Rimbaud, Les Mains de Jeanne-Marie, texte foudroyant qui célèbre les femmes de la Commune. <br /><br />Morceau composé et interprété par BendOver.<br /><br />Découvrir le dernier album de BendOver Futur : <br />https://youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_mH0nOzjVVLeMIbczhQc4_rz0XlNQyucEQ<br /><br />Les Mains de Jeanne-Marie<br />Arthur Rimbaud<br /><br />Jeanne-Marie a des mains fortes,<br />Mains sombres que l’été tanna,<br />Mains pâles comme des mains mortes.<br />– Sont-ce des mains de Juana ?<br /><br />Ont-elles pris les crèmes brunes<br />Sur les mares des voluptés ?<br />Ont-elles trempé dans des lunes<br />Aux étangs de sérénités ?<br /><br />Ont-elles bu des cieux barbares,<br />Calmes sur les genoux charmants ?<br />Ont-elles roulé des cigares<br />Ou trafiqué des diamants ?<br /><br />Sur les pieds ardents des Madones<br />Ont-elles fané des fleurs d’or ?<br />C’est le sang noir des belladones<br />Qui dans leur paume éclate et dort.<br /><br />Mains chasseresses des diptères<br />Dont bombinent les bleuisons<br />Aurorales, vers les nectaires ?<br />Mains décanteuses de poisons ?<br /><br />Oh ! quel Rêve les a saisies<br />Dans les pandiculations ?<br />Un rêve inouï des Asies,<br />Des Khenghavars ou des Sions ?<br /><br />– Ces mains n’ont pas vendu d’oranges,<br />Ni bruni sur les pieds des dieux :<br />Ces mains n’ont pas lavé les langes<br />Des lourds petits enfants sans yeux.<br /><br />Ce ne sont pas mains de cousine<br />Ni d’ouvrières aux gros fronts<br />Que brûle, aux bois puant l’usine,<br />Un soleil ivre de goudrons.<br /><br />Ce sont des ployeuses d’échines,<br />Des mains qui ne font jamais mal,<br />Plus fatales que des machines,<br />Plus fortes que tout un cheval !<br /><br />Remuant comme des fournaises,<br />Et secouant tous ses frissons,<br />Leur chair chante des Marseillaises<br />Et jamais les Eleisons !<br /><br />Ça serrerait vos cous, ô femmes<br />Mauvaises, ça broierait vos mains,<br />Femmes nobles, vos mains infâmes<br />Pleines de blancs et de carmins.<br /><br />L’éclat de ces mains amoureuses<br />Tourne le crâne des brebis !<br />Dans leurs phalanges savoureuses<br />Le grand soleil met un rubis !<br /><br />Une tache de populace<br />Les brunit comme un sein d’hier ;<br />Le dos de ces Mains est la place<br />Qu’en baisa tout Révolté fier !<br /><br />Elles ont pâli, merveilleuses,<br />Au grand soleil d’amour chargé,<br />Sur le bronze des mitrailleuses<br />À travers Paris insurgé !<br /><br />Ah ! quelquefois, ô Mains sacrées,<br />À vos poings, Mains où tremblent nos<br />Lèvres jamais désenivrées,<br />Crie une chaîne aux clairs anneaux !<br /><br />Et c’est un soubresaut étrange<br />Dans nos êtres, quand, quelquefois,<br />On veut vous déhâler, Mains d’ange,<br />En vous faisant saigner les doigts !