« Voilà du mouron pour les p'tits oiseaux » <br /><br />Elle possédait une bonne centaine de printemps, ( à vrai dire , je ne sais plus, il paraissait impossible de lui donner un âge) <br />Elle était assise à même le sol dans le Faubourg saint Denis, et elle chantait, une branche à la main, « voilà du mouron pour les p'tits oiseaux », <br /> Elle s'apesantissait sur « p'tits » et libérait « oiseaux » comme s'ils prenaient leur envol, <br />Elle chantait toujours cette même phrase, dans l'indifférence générale, <br />J'étais fasciné par ce personnage qui ne voyait rien d'autre que ses petits oiseaux , et qui chantait sans aucune interruption, <br />Mon pas était rythmé par cette litanie, venue du fond des âges, <br />C'était une compagnie que ma conscience s'était appropriée, <br />Et puis le jour tant redouté arriva, plus de chant, plus de mouron, <br />L'oiseau s'était envolé dans sa belle cage dorée, <br />La rue était noire de monde, J'avais cependant l'illusion d'être seul, <br />Cette voix me manquait, elle avait bercé toute mon enfance, <br />Je me consolais en pensant qu'au Paradis des Anges elle chante encore, et qu'est-ce qu'elle dit la petite marchande, si vous tendez bien l'oreille pour l'écouter ? <br />« Voilà du mouron pour les p'tits oiseaux » <br />Emile Lelouch
