Incident de frontière entre rêve et veille : un épuisement soudain m'ensevelit, je sommeille sur un divan. <br />Quelqu'un entre : j'entends, je n'entends pas, je dors, je m'éveille, je continue à dormir. <br /><br /> En un instant naît la scission mémorable. <br /><br /> Moi-qui-veille se lève et montrant au nouveau venu <br />Moi-qui-dors toujours étendu sur le divan dit en se penchant : <br /><br /> — « <br />Il dort. » <br /><br /> Sans la moindre angoisse. <br /><br /> La crainte commence à saisir <br />Moi-qui-veille quand <br />Moi-qui-dors s'agite et crie en proie aux lémures du profond sommeil. <br />Moi-qui-veille se tournant vers son hôte dit finement: <br /><br /> — « <br />Il rêve. » <br /><br /> Moi-qui-dors se dresse brusquement sur son séant. <br />Moi-qui-veille poussé par un souvenir de solidarité l'aide à se dresser complètement. <br /><br /> Spectacle unique: <br />Moi-qui-veille prend le bras de <br />Moi-qui-dors, comme on fait à un convalescent et tous deux (ou tout un en deux) font au pas le tour de la chambre...
