Je bénis le sommeil, lui seul peut déformer<br /> Par sa ténèbre étroite, habile et travailleuse,<br /> Les traits de ton image où mon âme amoureuse,<br /> Sachant tous tes défauts, ne voit rien à blâmer !<br /><br /> Je m'endors agitée, et, pareille aux voyages,<br /> Débordante d'espoirs, d'attente, de projets;<br /> Et puis, à mon réveil, engourdie encor, j'ai<br /> La douceur de trouver ma raison lasse et sage.<br /><br /> Je ne souhaite rien; fidèle à mes soucis<br /> Je songe tendrement à la tombe loyale<br /> Où, descendue enfin dans la paix sans rivale,<br /> J'oublierai les désirs dont j'ai souffert ici;<br /><br /> Et je ne cherche pas à me tromper moi-même<br /> Sur le dur sentiment que tu m'as inspiré;<br /> Non, je ne t'aime pas avec l'honneur sacré,<br /> Avec l'esprit ravi ! Non, pauvre homme, je t'aime...<br /><br /> Et si ton hésitant, faible et modique orgueil<br /> Ne peut s'accommoder de l'animale flamme,<br /> Moi, du moins, j'eus le droit de voir périr des âmes<br /> Pour les lèvres, les bras, les noirs cheveux et l'œil !
