I<br /><br />Le Temps ne surprend pas le sage ; <br />Mais du Temps le sage se rit, <br />Car lui seul en connaît l'usage ; <br />Des plaisirs que Dieu nous offrit, <br />Il sait embellir l'existence ; <br />Il sait sourire à l'espérance, <br />Quand l'espérance lui sourit.<br /><br />II<br /><br />Le bonheur n'est pas dans la gloire,<br />Dans les fers dorés d'une cour,<br />Dans les transports de la victoire,<br />Mais dans la lyre et dans l'amour. <br />Choisissons une jeune amante, <br />Un luth qui lui plaise et l'enchante ; <br />Aimons et chantons tour à tour !<br /><br />III<br /><br />" Illusions ! vaines images ! " <br />Nous dirons les tristes leçons <br />De ces mortels prétendus sages <br />Sur qui l'âge étend ses glaçons ; " <br />" Le bonheur n'est point sur la terre, <br />Votre amour n'est qu'une chimère, <br />Votre lyre n'a que des sons ! "<br /><br />IV<br /><br />Ah ! préférons cette chimère <br />A leur froide moralité ; <br />Fuyons leur voix triste et sévère ; <br />Si le mal est réalité, <br />Et si le bonheur est un songe, <br />Fixons les yeux sur le mensonge,<br />Pour ne pas voir la vérité.<br /><br />V<br /><br />Aimons au printemps de la vie, <br />Afin que d'un noir repentir <br />L'automne ne soit point suivie ; <br />Ne cherchons pas dans l'avenir <br />Le bonheur que Dieu nous dispense ; <br />Quand nous n'aurons plus l'espérance, <br />Nous garderons le souvenir.<br /><br />VI<br /><br />Jouissons de ce temps rapide<br />Qui laisse après lui des remords, <br />Si l'amour, dont l'ardeur nous guide, <br />N'a d'aussi rapides transports : <br />Profitons de l'adolescence, <br />Car la coupe de l'existence <br />Ne pétille que sur ses bords !<br /><br />(1824)
