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Alphonse de Lamartine - L'isolement

2012-11-26 126 Dailymotion

Souvent sur la montagne, à l'ombre du vieux chêne,<br />Au coucher du soleil, tristement je m'assieds ; <br />Je promène au hasard mes regards sur la plaine,<br />Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.<br /><br />Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes ;<br />Il serpente, et s'enfonce en un lointain obscur ;<br />Là le lac immobile étend ses eaux dormantes<br />Où l'étoile du soir se lève dans l'azur.<br /><br />Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres,<br />Le crépuscule encor jette un dernier rayon ;<br />Et le char vaporeux de la reine des ombres<br />Monte, et blanchit déjà les bords de l'horizon.<br /><br />Cependant, s'élançant de la flèche gothique,<br />Un son religieux se répand dans les airs :<br />Le voyageur s'arrête, et la cloche rustique<br />Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts.<br /><br />Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente<br />N'éprouve devant eux ni charme ni transports ;<br />Je contemple la terre ainsi qu'une ombre errante<br />Le soleil des vivants n'échauffe plus les morts.<br /><br />De colline en colline en vain portant ma vue,<br />Du sud à l'aquilon, de l'aurore au couchant,<br />Je parcours tous les points de l'immense étendue,<br />Et je dis : " Nulle part le bonheur ne m'attend. "<br /><br />Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,<br />Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?<br />Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,<br />Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !<br /><br />Que le tour du soleil ou commence ou s'achève,<br />D'un oeil indifférent je le suis dans son cours ;<br />En un ciel sombre ou pur qu'il se couche ou se lève,<br />Qu'importe le soleil ? je n'attends rien des jours.<br /><br />Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière,<br />Mes yeux verraient partout le vide et les déserts :<br />Je ne désire rien de tout ce qu'il éclaire;<br />Je ne demande rien à l'immense univers.<br /><br />Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère,<br />Lieux où le vrai soleil éclaire d'autres cieux,<br />Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre,<br />Ce que j'ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux !<br /><br />Là, je m'enivrerais à la source où j'aspire ;<br />Là, je retrouverais et l'espoir et l'amour,<br />Et ce bien idéal que toute âme désire,<br />Et qui n'a pas de nom au terrestre séjour !<br /><br />Que ne puîs-je, porté sur le char de l'Aurore,<br />Vague objet de mes voeux, m'élancer jusqu'à toi !<br />Sur la terre d'exil pourquoi resté-je encore ?<br />Il n'est rien de commun entre la terre et moi.<br /><br />Quand là feuille des bois tombe dans la prairie,<br />Le vent du soir s'élève et l'arrache aux vallons ;<br />Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie :<br />Emportez-moi comme elle, orageux aquilons !

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