Une poulette jeune et sans expérience, <br />En trottant, cloquetant, grattant, <br />Se trouva, je ne sais comment, <br />Fort loin du poulailler, berceau de son enfance. <br />Elle s'en aperçut qu'il était déjà tard. <br />Comme elle y retournait, voici qu'un vieux renard <br />A ses yeux troublés se présente. <br />La pauvre poulette tremblante <br />Recommanda son âme à Dieu. <br />Mais le renard, s'approchant d'elle, <br />Lui dit : hélas ! Mademoiselle, <br />Votre frayeur m'étonne peu ; <br />C'est la faute de mes confrères, <br />Gens de sac et de corde, infâmes ravisseurs, <br />Dont les appétits sanguinaires <br />Ont rempli la terre d'horreurs. <br />Je ne puis les changer, mais du moins je travaille <br />A préserver par mes conseils <br />L'innocente et faible volaille <br />Des attentats de mes pareils. <br />Je ne me trouve heureux qu'en me rendant utile ; <br />Et j'allais de ce pas jusques dans votre asile <br />Pour avertir vos soeurs qu'il court un mauvais bruit, <br />C'est qu'un certain renard méchant autant qu'habile <br />Doit vous attaquer cette nuit. <br />Je viens veiller pour vous. La crédule innocente <br />Vers le poulailler le conduit : <br />A peine est-il dans ce réduit, <br />Qu'il tue, étrangle, égorge, et sa griffe sanglante <br />Entasse les mourants sur la terre étendus, <br />Comme fit Diomède au quartier de Rhésus. <br />Il croqua tout, grandes, petites, <br />Coqs, poulets et chapons ; tout périt sous ses dents.
