Surprise Me!

Victor Hugo - Parole sur la dune

2013-02-22 64 Dailymotion

Maintenant que mon temps décroît comme un flambeau, <br />Que mes tâches sont terminées ; <br />Maintenant que voici que je touche au tombeau <br />Par les deuils et par les années, <br /><br />Et qu'au fond de ce ciel que mon essor rêva, <br />Je vois fuir, vers l'ombre entraînées, <br />Comme le tourbillon du passé qui s'en va, <br />Tant de belles heures sonnées ; <br /><br />Maintenant que je dis : - Un jour, nous triomphons ; <br />Le lendemain, tout est mensonge ! - <br />Je suis triste, et je marche au bord des flots profonds, <br />Courbé comme celui qui songe. <br /><br />Je regarde, au-dessus du mont et du vallon, <br />Et des mers sans fin remuées, <br />S'envoler sous le bec du vautour aquilon, <br />Toute la toison des nuées ; <br /><br />J'entends le vent dans l'air, la mer sur le récif, <br />L'homme liant la gerbe mûre ; <br />J'écoute, et je confronte en mon esprit pensif <br />Ce qui parle à ce qui murmure ; <br /><br />Et je reste parfois couché sans me lever <br />Sur l'herbe rare de la dune, <br />Jusqu'à l'heure où l'on voit apparaître et rêver <br />Les yeux sinistres de la lune. <br /><br />Elle monte, elle jette un long rayon dormant <br />A l'espace, au mystère, au gouffre ; <br />Et nous nous regardons tous les deux fixement, <br />Elle qui brille et moi qui souffre. <br /><br />Où donc s'en sont allés mes jours évanouis ? <br />Est-il quelqu'un qui me connaisse ? <br />Ai-je encor quelque chose en mes yeux éblouis, <br />De la clarté de ma jeunesse ? <br /><br />Tout s'est-il envolé ? Je suis seul, je suis las ; <br />J'appelle sans qu'on me réponde ; <br />Ô vents ! ô flots ! ne suis-je aussi qu'un souffle, hélas ! <br />Hélas ! ne suis-je aussi qu'une onde ? <br /><br />Ne verrai-je plus rien de tout ce que j'aimais ? <br />Au-dedans de moi le soir tombe. <br />Ô terre, dont la brume efface les sommets, <br />Suis-je le spectre, et toi la tombe ? <br /><br />Ai-je donc vidé tout, vie, amour, joie, espoir ? <br />J'attends, je demande, j'implore ; <br />Je penche tour à tour mes urnes pour avoir <br />De chacune une goutte encore ! <br /><br />Comme le souvenir est voisin du remord ! <br />Comme à pleurer tout nous ramène ! <br />Et que je te sens froide en te touchant, ô mort, <br />Noir verrou de la porte humaine ! <br /><br />Et je pense, écoutant gémir le vent amer, <br />Et l'onde aux plis infranchissables ; <br />L'été rit, et l'on voit sur le bord de la mer <br />Fleurir le chardon bleu des sables.

Buy Now on CodeCanyon