J’étais enfant. J’aimais les grands combats, <br /> Les Chevaliers et leur pesante armure, <br /> Et tous les preux qui tombèrent là-bas <br /> Pour racheter la Sainte Sépulture. <br /><br />L’Anglais Richard faisait battre mon coeur <br /> Et je l’aimais, quand après ses conquêtes <br /> Il revenait, et que son bras vainqueur <br /> Avait coupé tout un collier de têtes. <br /><br />D’une Beauté je prenais les couleurs, <br /> Une baguette était mon cimeterre ; <br /> Puis je partais à la guerre des fleurs <br /> Et des bourgeons dont je jonchais la terre. <br /><br />Je possédais au vent libre des cieux <br /> Un banc de mousse où s’élevait mon trône ; <br /> Je méprisais les rois ambitieux, <br /> Des rameaux verts j’avais fait ma couronne. <br /><br />J’étais heureux et ravi. Mais un jour <br /> Je vis venir une jeune compagne. <br /> J’offris mon coeur, mon royaume et ma cour, <br /> Et les châteaux que j’avais en Espagne. <br /><br />Elle s’assit sous les marronniers verts ; <br /> Or je crus voir, tant je la trouvais belle, <br /> Dans ses yeux bleus comme un autre univers, <br /> Et je restai tout songeur auprès d’elle. <br /><br />Pourquoi laisser mon rêve et ma gaieté <br /> En regardant cette fillette blonde ? <br /> Pourquoi Colomb fut-il si tourmenté <br /> Quand, dans la brume, il entrevit un monde.
