Il a dévalé la colline <br /> Ses pas faisaient rouler les pierres <br /> Là-haut entre les quatre murs <br /> La sirène chantait sans joie <br /><br />Il respirait l’odeur des arbres <br /> Avec son corps comme une forge <br /> La lumière l’accompagnait <br /> Et lui faisait danser son ombre <br /><br />Pourvu qu’ils me laissent le temps <br /> Il sautait à travers les herbes <br /> Il a cueilli deux feuilles jaunes <br /> Gorgées de sève et de soleil <br /><br />Les canons d’acier bleu crachaient <br /> De courtes flammes de feu sec <br /> Pourvu qu’ils me laissent le temps <br /> Il est arrivé près de l’eau <br /><br />Il y a plongé son visage <br /> Il riait de joie il a bu <br /> Pourvu qu’ils me laissent le temps <br /> Il s’est relevé pour sauter <br /><br />Pourvu qu’ils me laissent le temps <br /> Une abeille de cuivre chaud <br /> L’a foudroyé sur l’autre rive <br /> Le sang et l’eau se sont mêlés <br /><br />Il avait eu le temps de voir <br /> Le temps de boire à ce ruisseau <br /> Le temps de porter à sa bouche <br /> Deux feuilles gorgées de soleil <br /><br />Le temps d’atteindre l’autre rive <br /> Le temps de rire aux assassins <br /> Le temps de courir vers la femme <br /><br />Il avait eu le temps de vivre. <br /><br />Boris Vian, Chansons et Poèmes
